Lloyd se retournait dans son lit. Impossible de fermer l'oeil, mais il
n'aurait pas su dire pourquoi. Il contemplait ses épées, qu'il apercevait à
peine dans la pénombre de sa chambre. Il repensa à leur aventure. Six mois
avaient passé depuis la mort de Mithos et la réunification du monde. Six
mois depuis le départ de Kratos. Six mois que lui et Colette n'avaient revu
aucun de leurs amis. Bien sûr, même jusqu'à Isélia on entendait parler de la
société Lézareno, qui agissait activement pour la reconstruction des villes
détruites et la préservation de sites historiques, et les exploits du
président et de celle qu'on appelait sa "petite soeur" étaient connus de
tous. Partout également, on savait qui étaient ces deux demi-elfes, qui
parcouraient le monde à la recherche d'autres gens de leur race, et qui
luttaient pour faire accepter ceux qui étaient différents.
La jeune Sheena venait d'avoir 18 ans, et, chef du village de Mizuho et ambassadrice du clan
Igaguri, elle faisait de fréquentes visites, même à Isélia, mais son travail
l'accaparait trop, et elle ne disait bonjour que de loin, un signe de la
main, un regard discret. Quant à Zélos, il remplissait à merveille son rôle
d'Elu, permettant ainsi à Colette de mener une vie calme et paisible loin
des mondanités et de la célébrité. Ils étaient tous devenus quelqu'un.
Lloyd, lui, n'avait rien fait. Il était retourné vivre chez son père
adoptif, chassant de temps en temps les monstres de la forêt, vivant comme
autrefois, seule la peur des Désians et la prudence que leur existence
impliquait avaient disparu. Rien n'avait changé pour lui. Il était heureux
avec Colette, leur relation avait évolué de la manière la plus agréable qui
soit. Dés qu'il le pouvait, il n'hésitait pas à lui voler un baiser, qu'elle
lui rendait aussitôt en rougissant. Ils avaient pensé aller plus loin, mais
jamais encore une occasion ne s'était présentée. En attendant, que
devenaient ses amis ? Que pouvait bien faire Génis, son meilleur ami ?
Avait-il trouvé d'autres amis, avait-il oublié Lloyd et sa patrie, son port
d'attache ? Et le professeur ? Etait-elle en train d'enseigner à d'autres
élèves, sans penser à son élève préféré ? Et Zélos ? Sheena ? Et Préséa ?
Regal ?
Lloyd se leva, il passa les épées dans sa ceinture, et sortit de la maison.
L'air était un peu frais, le vent, doux et sucré, qui venait de la forêt,
lui caressait les joues et lui rappelait l'odeur des biscuits de Génis. Il
marcha jusqu'à la tombe, derrière la maison.
-Maman...
Il serra les gardes des épées.
-Je m'en vais...je vais trouver un sens à ma vie.
Il partit. Ses pas l'emmenèrent jusqu'au village, et, avant qu'il ne pût
faire demi-tour, il se trouva devant la maison de Colette. Il envoya une
poignée de petits cailloux contre le volet de sa chambre. Le visage de la
jeune fille apparut un instant, puis disparut. Quelques secondes plus tard,
la porte de sa maison s'ouvrit lentement, et une main invita Lloyd à entrer.
Ils montèrent doucement jusqu'à la chambre, et Colette alluma une petite
bougie. Lloyd s'assit sur le lit, elle se posa près de lui. Elle portait une
petite chemise de nuit, et Lloyd se rendit compte, en rougissant, qu'il
voyait ses jambes et ses cuisses nues pour la première fois. Ils parlaient
très bas, murmurant presque pour ne pas risquer de réveiller Phaidra et
Frank. L'ambiance chaude et intime qui se dégageait de la faible lumière
émise par la bougie et de leurs chuchotements les troublaient.
-Que se passe-t-il...? demanda-t-elle, un petit peu inquiète.
-Je...je vais m'en aller, répondit-il.
-T'en aller ?
-Oui...trouver une raison de vivre...
Ces mots serrèrent le coeur de Colette. N'en avait-il pas déjà, une raison
de vivre ? N'était-elle pas sa raison de vivre, alors même qu'il était la
sienne à elle ? Elle se leva, décidée.
-Alors, je pars avec toi !
Lloyd la regarda. Colette se tut. Elle se sentait étrange. Il lui prit la
main. Elle rougit. Sa respiration devint un peu plus profonde.
Voilà...c'était là...ce désir qu'ils avaient, cette envie qui leur
tenaillait l'estomac...l'occasion qu'ils attendaient tous les deux...
Colette s'assit sur les genoux de Lloyd. Elle sentait son corps devenir
brûlant, alors que Lloyd laissait tomber ses deux épées sur le tapis de la
chambre. Elle se colla contre lui, rouge de honte de se sentir ainsi, désir
coupable et délicieux enfoui depuis trop longtemps. Elle n'entendait plus
que le bruit de sa respiration, courte, accélérée, profonde, les battements
de son coeur. Elle ne sentait plus que les mains de Lloyd qui se
faufilaient, maladroites et tremblantes sous son vêtement, lui procurant des
sensations inconnues et troublantes. Toute aussi tremblante et maladroite,
elle retira ses mains, et se leva. Lloyd fit la même chose.
Il se déshabilla. Colette rougissait de plus en plus, ne sachant plus où poser son
regard. Lorsqu'il s'approcha d'elle, elle sentit ses jambes la lâcher. Lloyd
la rattrappa en la serrant contre elle. Il l'allongea doucement sur le lit,
et entreprit de lui retirer sa chemise de nuit. À sa grande surprise, elle
se laissa faire.
-L...Lloyd...murmura-t-elle...
Il l'embrassa.
-Je...je t'aime...
-Moi aussi, je t'aime...dit-il.
Il posa ses lèvres sur son cou. Elle poussa un soupir. Elle se sentait si
bien. Son corps brûlait d'une sensation merveilleuse. Sa timidité lui disait
de lutter, même faiblement, de ne pas laisser faire ces lèvres, cette
langue, ces mains, qui lui donnaient un plaisir incroyablement bon. Mais
elle n'y arrivait pas. Elle avait l'impression que Lloyd caressait son corps
tout entier. Sa main s'attardait dans cet endroit secret, au creux de ses
cuisses, alors que sa langue et ses lèvres si douces touchaient sa poitrine.
Il se coucha sur elle, leurs cris étouffés se mêlèrent, leurs langues
chaudes et humides, leurs respirations...leur plaisir...
Le lendemain matin.
-Colette...
-Oui...répondit-elle, d'une voix endormie et sensuelle.
-J'ai trouvé...ma raison de vivre...c'est toi...
-Je t'aime, Lloyd Irving...
-Je t'aime, Colette Brunel...