Bloch... Un grand penseur tout autant qu'un grand auteur, sans aucun doute.
Cela fait bien deux ou trois ans que l'on m'a conseillé L'étrange défaite mais, à force de détours par d'autres lectures et de retardements, je n'ai acquis le livre qu'il y a trois semaines, et n'ai pas encore commencé à le lire (ça attendra probablement août).
J'ai en revanche compulsé plusieurs textes, et il est certain que tant l'analyse que le style sont uniques à l'auteur, lui conférant notamment une lisibilité très claire pour un analyste : comparez du Marc Bloch à du Ian Kershaw, et vous verrez ce qu'est la différence entre un auteur fluide et un autre, compact.
Je mets juste un petit bémol : Bloch n'est pas mort en 42, mais en 44. J'ai d'ailleurs eu à débattre là-dessus avec un enseignant le mois dernier, et justement sur le sujet de la méthode d'enseignement de l'Histoire, dont tu fais mention. Passant un oral avec pour sujet "Le rôle du document dans l'enseignement de l'Histoire", j'en suis fatalement venu à parler de la réforme méthodologique née du courant des Annales lancé par Marc Bloch et Lucien Febvre, cela m'amenant à parler de la mort de Bloch, et amenant mon enseignant et moi-même à nous crêper le chignon pour savoir si les DB allemandes parties renforcer le front normand étaient majoritairement passées par Lyon, où notre homme a été fusillé, ou bien par Montpellier... On tue le temps comme on peut, en fin d'année universitaire
Je profite également de tes commentaires sur la question du regard que le monde contemporain pose sur la féodalité, pour conseiller un autre ouvrage : Pour en finir avec le Moyen Âge, de Régine Pernoud. Petit bouquin d'à peine 150 pages, qui tient dans la poche et fond dans la bouche, pas dans la m... heu, et qui se lit comme un Guide du Routard pour le Moyen Âge, faisant tomber un à un les clichés infligés à une période que la Renaissance et la propagande post-révolutionnaire ont pris un malin plaisir à faire passer pour culturellement en régression.
Les principaux thèmes sont traités, de la soi-disant dégénérescence de l'art jusqu'à la soi-disant infériorité des femmes, en passant par tous les lieux communs qui, s'effondrant au fil de la lecture, cessent enfin de faire sonner à nos oreilles le terme "Moyen Âge" comme étant un synonyne de l'avilissement de l'esprit.
On sent certes chez l'auteur une volonté de défendre bec et ongles le temps médiéval, volonté tendant parfois à un entêtement que d'éventuels détracteurs ne manqueraient pas d'exploiter pour décrier à nouveau ces milles années profondément incomprises. Heureusement, le lecteur éclairé parvient toujours à dresser les limites entre les faits et l'emportement lyrique de l'historienne, et ce notamment grâce à, là aussi, un style littéraire clair et agréable.
Une saine lecture : j'ai dit